Entretien avec Philippe CLAUDEL
Chers lecteurs, avec cet article je vous propose un entretien portrait de M. Philippe CLAUDEL, écrivain, cinéaste et président de l’Académie Goncourt.
Elsa : pouvez-vous vous présenter en quelques mots pour mes lecteurs ?
Philippe Claudel : je m’appelle Philippe Claudel, je suis écrivain metteur en scène. Je suis membre de l’Académie Goncourt depuis 2012. Je suis le président de cette académie, depuis mai 2024. J’ai la chance que mes romans soient traduits dans une quarantaine de langues. Sinon, j’ai aussi exercé le métier de professeur de français, dans des collèges, des lycées à l’université, mais aussi, à l’EREA de Flavigny sur Moselle, pendant 5 ans.
Elsa : vous avez eu/avait encore plusieurs vies professionnelles…
Philippe Claudel : oui, effectivement, j’ai plusieurs vies professionnelles… j’ai d’abord suivi des études de lettres et d’histoire, pour devenir professeur de français. Mais depuis mon enfance, j’ai toujours aimé écrire, j’ai toujours écrit. Mon premier roman a été publié en 1999. Il s’appelle : « MEUSE L’OUBLI ». Au début, il n’y avait pas foule… mais quelques lecteurs. En 2003, j’ai publié un roman : « LES ÂMES GRISES », celui-ci est devenu un best-seller.
Elsa : vous l’avez d’ailleurs, adapté au cinéma.
Philippe Claudel : ce n’est pas moi qui l’ai adapté au cinéma, mais un ami cinéaste, Yves Angelo. J’ai écrit le scénario. C’est un film avec Jean-Pierre Marielle et Jacques Villeret. .
Elsa : que vous ont apporté vos différentes expériences ?
Philippe Claudel : alors, mon métier de professeur, que je considère comme mon véritable métier, mes autres activités, ne sont pas, pour moi un réel métier. Avec le métier de professeur, dans les collèges ou les lycées, tu es en contact avec des jeunes. Donc tu as le privilège de connaître, leurs désirs, leurs angoisses, leurs rêves, leurs états d’esprit,… l’autre dimension, c’est que lorsque vous êtes professeurs, vous essayez de transmettre, ce que l’on vous a appris. Vous avez appris un certain nombre de savoirs votre devoir de retransmettre ces savoirs à des personnes plus jeunes que vous. C’est comme cela, que se construit l’humanité. Le métier de professeur, de maître , ou bien d’un instituteur au sens large est essentiel. Cela a été une grande joie, d’exercer ce métier et de pouvoir transmettre le savoir aux jeunes générations. Ensuite, écrire des livres, des pièces de théâtre, tu es dans le domaine de l’imaginaire, de la créativité totale, tu es libre, tu peux écrire ce que tu veux. Avec cinéma, c’est un peu différent, il y a plus de contraintes, des contraintes de temps et de budget, tu dois trouver des comédiens, des producteurs, des techniciens… et travailler avec eux. Alors que lorsque tu écris des livres , c’est la liberté est totale. Après selon la chance, on est lu un peu, beaucoup, ou pas du tout. Le succès est pour moi, secondaire. L’important dans l’écriture c’est de comprendre les enjeux, le fonctionnement du monde et comment ça marche un être humain.
Elsa : à travers vos personnages ?
Philippe Claudel : oui, à travers nos personnages, l’intrigue met en place, à travers la langue aussi, puisque la littérature c’est une manière de jouer avec la langue, de réfléchir sur le mot, sur la phrase… c’est aussi une façon de mettre notre culture en valeur.
Elsa : en tant que professeur, vous avez travaillé auprès de personnes détenues, pendant combien de temps et qu’est-ce que cela vous a-t-il apporté ?
Philippe Claudel : oui, j’ai travaillé en prison pendant 12 ans. Je le faisais en plus de mes cours au collège ou au lycée. J’ai arrêté en 2000. Mais la première fois que je suis rentré en prison, j’étais très jeune, j’avais 23 ans. C’était à l’occasion d’un stage, que je devais faire, dans le cadre de la formation pour devenir professeur. Il fallait que je fasse celui-ci, dans un milieu éducatif, qui n’était ni un collège ni un lycée, donc j’ai décidé d’aller voir ce qu’il se passait en prison. C’était en 1985. Y avait-il des cours en prison ? Est-ce que les détenus bénéficiaient d’un accès au savoir ? Donc, je suis allé frapper à la porte … j’ai effectué une demande et pendant 15 jours, je suis allé à la maison d’arrêt de Nancy, qu’on appelait : « prison Charles III ». Elle se situait près de la gare, elle a été rasée depuis, elle se situe désormais sur les hauteurs de Nancy. Là, j’ai découvert que le système éducatif étais vraiment réduit, car il n’y avait qu’un seul professeur , il donnait quelques cours d’alphabétisation, bricoler avec des détenus… il faisait un peu de tout. Il y avait une demande, les détenus souhaitaient bénéficier de cours fondamentaux, mathématiques, français, histoire-géo… etc. donc, j’ai proposé de venir enseigner en prison. Ça été un petit long, car avec l’administration pénitentiaire c’est toujours long mais en 88, des heures d’enseignement pénitentiaire ont été créées, des professeurs ont été recrutés, dont, je faisais partie. En plus de mes cours en lycée ou collège, je donnais 6 à 8 heures de cours par semaine en prison. Je donnais des cours à des personnes détenues qui souhaitaient passer le brevet des collèges ou le baccalauréat par exemple, ou tout simplement sortir de leur cellule et débattre autour de pensée philosophique de débat d’idées. Tu vois, je fais cela pendant 12 ans, essentiellement avec des hommes, car c’était pour la plupart des hommes, lorsqu’il y avait des besoins, dans le quartier femme, j’allais aider les détenues.
Elsa : j’ai une question bête, ils ne mélangeaient pas les hommes et les femmes mêmes pendant les cours ?
Philippe Claudel : à l’époque, non pas du tout. À l’époque ce n’était pas autorisé, c’était bien dommage d’ailleurs. Donc, on faisait cours au quartier homme, et quand il y avait des besoins, on allait faire quelques heures au quartier femme.
Elsa : je crois, que désormais pour certaines activités la mixité hommes femmes en prison est possible.
Philippe Claudel : oui, les règles se sont assouplies, désormais certaines activités peuvent être pratiquées en mélangeant les hommes et les femmes, sous contrôle ,bien entendu. Donc, j’ai fait cela pendant 12 ans, majoritairement avec des adultes, mais aussi avec des jeunes gens, car à l’époque il y avait un quartier pour les mineurs. par exemple, j’ai donné des cours une jeune fille de 13 ou 14 ans, qui était incarcérée.
Elsa : mais je croyais qu’on ne pouvait incarcérer dans une prison des mineurs de moins de 16 ans…
Philippe Claudel : à l’époque c’était possible, pour des faits extrêmement graves, en l’occurrence meurtre. En même temps, elle était emprisonnée, mais elle était en classe de 4e ou de 3e, donc il fallait bien lui donner des cours.
Elsa : en même temps, il y avait une excuse de minorité…
Philippe Claudel : je ne sais plus, pour combien de temps elle était condamnée. Il y a eu des jeunes hommes condamnés pour des faits graves. Mais eux, c’était assez difficile de leur faire cours, car ils avaient une forme de colère, de mépris envers l’autorité. Donc, le professeur était considéré comme un ennemi, au même titre que les policiers, les surveillants pénitentiaires… l’ambiance dans les cours était assez tendue. Pendant 12 ans, j’ai fait cela, puis, j’ai arrêté. 2 ans après, j’ai écrit le récit de cette expérience, dans un livre intitulé : « LE BRUIT DU TROUSSEAU ». Je l’ai d’ailleurs, librement adapté en film.
Elsa : oui, je l’ai vu, et quelques extraits du livre, car mes collègues me l’ont prêté.
Philippe Claudel : donc, tu as pu voir les scènes tournées avec les mineurs, elles sont proches de la réalité.
Elsa : des mineurs en prison, cela doit être compliqué et dur pour eux.
Philippe Claudel : c’est la prison. A partir du moment, où tu es enfermé, privé de liberté. C’est difficile. Mais la prison elle est là aussi pour faire comprendre à l’individu qu’il a franchi la limite imposée par la société. Elle est là aussi pour une visée pédagogique et de protection de la société mais aussi de protection des individus vis-à-vis d’eux-mêmes.
Elsa : oui, s’il y a une vraie réinsertion.
Philippe Claudel : la réinsertion n’est pas le but de la prison en soi, malheureusement la prison est plutôt école de la récidive. Même si j’ai arrêté de travailler en prison il y a une vingtaine d’années, j’en parle encore beaucoup dans les livres. je milite auprès d’hommes politiques pour faire comprendre que la prison, n’est pas toujours la solution. J’ai rencontré le président de la République, avec il y a quelques années, sur le sujet. Malheureusement nous sommes un pays qui emprisonne beaucoup.
Elsa : alors qu’il y a des peines alternatives.
Philippe Claudel : oui, il y a des peines alternatives, elles sont appliquées mais pas suffisamment. Et surtout nous sommes un pays qui incarcère de manière préventive ,avant le procès. Alors que ce n’est pas toujours utile. Lorsque j’ai arrêté l’enseignant prison, il y a bientôt 25 ans, nous étions à environ 50 000 personnes détenues, aujourd’hui nous sommes à 78 000, soit environ 40 % d’augmentation. Alors que la population française n’a pas augmenté elle, de 40 % en 25 ans. C’est un problème de notre société, nous utilisons beaucoup trop la prison. Comme tu le sais, les prison sont surpeuplées, surtout les maisons d’arrêt , ce qui rend les conditions de détention extrêmement difficile. Il y a des cellules prévues pour 2 ou les détenues sont 4. De plus, en prison, il y a un effet pervers, vous êtes complètement pris en charge, on vous dit quoi faire, vous ne pensez plus à votre quotidien extérieur.
Elsa : en plus, nous ça nous arrive, Avec Le Secours Catholique, mais aussi des personnes détenues qui ont peur de sortir.
Philippe Claudel : oui mais ça, c’est encore autre chose, j’ai connu des personnes incarcérées pour de longues peines plus de 20 ans, qui lors de leur sortie, étaient complètement déboussolées. Encore plus, ces dernières années avec les changements de notre société, dans notre quotidien. Pour les personnes condamnées à de longues peines, il existe ce que l’on appelle « des sas de préparation à la sortie », la sortie se fera de manière progressive, d’abord par des permissions par exemple d’une journée ou bien de quelques jours. Enfin, d’en amortir les effets.
Elsa : donc, si je résume, ce que vous avez aimé dans votre carrière en tant que professeur, c’est la transmission, ainsi que la rencontre. Dans votre carrière d’écrivain c’est la liberté.
Philippe Claudel : oui, mais déjà lorsque tu es professeur tu es quand même très libre, surtout à l’époque à laquelle j’enseignais. Dans le choix des ouvrages à étudier… si tu te souviens, dans les structures que nous avons connues, toi et moi, il y a plus grande liberté d’enseignement. Le choix de son programme, souviens-toi en début de cours, je faisais la lecture d’extraits de livres. Alors la liberté, tu peux le trouver dans le métier d’enseignant. Mais lorsque tu es un artiste, un écrivain, personne ne te dit ce que tu dois écrire, ni quand, ni comment écrire. Quand tu écris, c’est toi seul qui décides de ce que tu as faire. En cinéma par exemple, il y a des énormes contraintes, d’argent, de budget, de temps… il y a des contraintes qui tiennent aussi des personnes avec lesquelles tu travailles : c’est aussi un travail avec d’autres êtres humains, donc cela peut être exaltant mais aussi extrêmement compliqué. Alors que dans l’écriture, tu es ton seul maître.
Elsa : comment a démarré votre carrière d’écrivain, du coup ?
Philippe Claudel : comme je te le disais tout à l’heure, j’ai toujours écrit, c’est une passion qui date de l’enfance. Dès que j’ai su écrire, j’ai commencé à écrire des petits textes, des poèmes… j’aimais tellement lire, que j’avais envie moi aussi de créer des histoires. Cela a duré pendant très longtemps. Avec constante c’était vraiment mauvais, avec le temps cela s’améliorait. Et puis surtout, j’ai commencé à avoir des choses à dire, en effet, lorsque tu commences ta vie tu n’as pas grand-chose à raconter et puis lorsque tu es un grand lecteur tu te laisses influencer, par les auteurs que tu aimes, ce que tu lis, ce qui rend parfois les choses très mauvaises, car tu essayes de faire comme untel ou bien untel. Cela se passait pour moi, ce n’est qu’à partir de 30 ans, 33 ans, que je commençais à écrire des petits textes qui me ressemblaient. J’y parlais de choses qui me touchaient. Mes premiers textes sont parus dans des revues. Puis, des gens (du milieu de l’édition), m’ont dit : « lorsque vous terminerez un roman et que vous en serez satisfaits, envoyé le nous. » Ça été le cas, avec : « MEUSE L’OUBLI », qui leur a plu. Ils ont décidé de le publier. C’est en 1999, que j’ai commencé à publier pour la première fois. À 37 ans, ce n’est pas, si jeune que cela, certains commence plutôt, mais pour moi, ça été ça.
Elsa : parmi tous les ouvrages que vous avait publiés, en avez-vous un préféré ?
Philippe Claudel : pas vraiment. J’en ai publié plus de 40 maintenant. Parfois même, j’oublie ce que j’ai publié. Je ne sais pas, non franchement je sais plus. Tous les livres que je fais ont été importants, puisque je les ai écrits. Mais une fois, que je les ai publiés, je les oublie. Ils appartiennent aux lecteurs, tu vois ? Une fois publié, il n’est plus à moi. Celui qui m’intéresse le plus c’est celui qui n’est pas encore écrit, le prochain.
Elsa : car il y a encore tout à faire ?
Philippe Claudel : oui c’est ça, quand tu commences l’écriture d’un livre, il y a l’excitation, c’est comme entrer dans une forêt, tu ne sais pas où cela va te mener ni quand tu en sortiras.
Elsa : il y a quand même un fil rouge ?
Philippe Claudel : pour certains auteurs, oui mais pas pour moi. Lorsque commence à écrire une histoire, je ne sais jamais comment celle-ci va finir.
Elsa : vous laisser guider par vos personnages ?
Philippe Claudel : oui, par mes personnages, mais aussi par l’agencement des mots.
Elsa : Pourquoi, avoir eu envie de vous lancer en tant que cinéaste ?
Philippe Claudel : tout comme l’écriture, le cinéma m’a toujours passionné depuis mon enfance. Mais autant, quand tu es enfant, tu peux prendre une feuille et un crayon, c’est plus compliqué pour le cinéma, car à l’époque, il fallait une caméra, des pellicules et des comédiens. Néanmoins, quand j’étais petit, j’écrivais déjà des scénarios que je donnais à jouer à mes copains, je faisais semblant de les filmer. Depuis l’enfance, j’avais déjà ce désir. Quand je suis arrivée à l’université, un département de cinéma venait de se créer.
Elsa : L’IECA ?
Philippe Claudel : non, ce n’était pas encore l’IECA , dont nous allons fêter les 30 ans cette année.
Elsa : L’IECA , n’a que 30 ans ?
Philippe Claudel : 30 ans, si tu calcules cela fais 1994, j’ai commencé mes études en 1980, mais les personnes qui ont créé l’IECA , sont des personnes de l’université de Nancy, passionnées de cinéma. L’idée, quand je suis arrivé à l’université, c’était de pouvoir créer un département de cinéma. Nous étions une vingtaine. C’est dans ce département ,que j’ai pu me servir d’une caméra. C’était le début de l’aventure, c’est là, où j’ai réalisé mes premiers court-métrages… qui étaient très mauvais. Mais au moins, on apprenait à écrire, à monter (des films ou des court-métrages) c’est cela, qui était intéressant.
Elsa : mais pourquoi…
Philippe Claudel : mais pourquoi derrière et pas devant, c’est ça ?
Elsa : je pensais au théâtre par exemple, pourquoi pas le théâtre ?
Philippe Claudel : le théâtre, c’est une autre écriture… pour moi le cinéma, était beaucoup plus passionnant. Mais dans le cinéma, j’ai tout essayé. Quand nous étions étudiants, nous faisions tout à la fois, on écrivait les scénarios, on filmait et on jouait. C’est cela qui est excitant.
Elsa : aujourd’hui, vous ne faites que des scénarios ?
Philippe Claudel : ah non, j’écris mes scénarios et je les filment. J’ai longtemps écrit pour les autres , maintenant je refuse.
Elsa : donc vous écrivez vos propres scénarios, puis vous les filmez.
Philippe Claudel : oui voilà c’est cela.
Elsa : et en termes de films réalisés, lequel avez-vous préféré ? Vous en avez un préféré, ou bien c’est comme pour vos romans ?
Philippe Claudel : oui, UNE ENFANCE, car je l’ai tourné, à Dombasle, dans ma ville, dans le quartier de mon enfance, avec des gens que je connaissais. Il y a une grande partie autobiographique dans ce film.
Elsa : donc, dans vos réalisations, votre film préféré c’est «UNE ENFANCE », car il y a une part d’autobiographie ?
Philippe Claudel : oui, mais surtout, car je l’ai filmé Dombasle. Je voulais montrer cette petite ville.
Elsa : depuis mai 2024, vous êtes président de l’académie Goncourt ?
Philippe Claudel : oui, absolument.
Elsa : et du coup, en quoi consiste cette présidence ?
Philippe Claudel : l’Académie Goncourt une association, de type 1901, donc comme dans toute association, tu es obligé d’avoir un bureau, constitué d’un président, d’un trésorier et d’un secrétaire. Quand, j’ai intégré l’académie Goncourt, j’ai intégré la charge de trésorier pendant 2 ans, puis celle de secrétaire général, pour la même durée. Maintenant, j’en suis le président. Alors ça consiste en quoi ? Le président prend les décisions principales, c’est surtout celui qui se doit de maintenir une bonne ambiance de travail et de camaraderie. Il représente l’académie Goncourt pour les institutions, il parle au nom de celle-ci. Ce n’est pas quelqu’un, qui est plus important que les autres mais c’est quelqu’un qui a un peu plus de travail que les autres.
Elsa : mais pour un vote, vous avez quand même 2 voix au lieu d’une…
Philippe Claudel : cette double voix, j’ai décidé de ne pas m’en servir. Normalement, en cas d’égalité le président doit utiliser cette double voix. Moi, j’ai dit à mes camarades, que si cela arrivait, nous tirerions au sort, celui ou celle, qui aura droit à la double voix. Tu vois ? C’est une façon de rétablir une forme d’égalité. Quand tu as une assemblée en nombre impair la question ne se pose pas, mais quand tu as une assemblée en nombre pair, tu es obligé d’utiliser ce système.
Elsa : pouvez-vous m’expliquer comment fonctionne la sélection du prix Goncourt ?
Philippe Claudel : c’est assez simple, on va lire tout l’été, à partir du mois de mai, moi par exemple, je lis entre 1 et 3 livres par jour. Jusqu’à notre première réunion, qui a lieu en tout début septembre. Pendant l’été, nous beaucoup communiquons par courriel. En nous envoyant des fiches de lecture ainsi que nos ressentis. À la première réunion de septembre, je demande à mes camarades de venir avec 10 titres, qu’ils ont préféré. Et nous arrivons comme ça, à créer une liste d’environ 15 titres.
Elsa : mais il y a combien de livres au départ ?
Philippe Claudel : les éditeurs nous envoient autant de qui le souhaitent.
Elsa : il faut que ce soit un livre en français ?
Philippe Claudel : oui, il faut absolument il faut absolument que la langue d’origine ,soit la langue française.
Elsa : mais est-ce que ça peut être de la science-fiction, un polar par exemple ou bien un thriller par exemple ?
Philippe Claudel : oui, il n’y a aucune distinction de genre. Ça peut être, tous les genres littéraires, polar, science-fiction, tout ce que tu veux, mais il faut une idée originale, en français d’origine, qui n’a jamais été publié avant.
Elsa : y a-t-il des critères d’âge pour le lecteur ? Ça peut être, de la littérature jeunesse ?
Philippe Claudel : Non, la littérature jeunesse n’est pas prise en compte, c’est un prix à destination des adultes.
Elsa : donc si je résume les critères, il faut que ce soit un livre en français, écrit en français à l’origine, pour un public adulte, et qui ne soit encore jamais paru.
Philippe Claudel : pas de littérature jeunesse, mais plutôt de la littérature général. Certaines années, nous avons couronné des livres qui s’apparentaient à de la science-fiction ou bien issus de la littérature policière...
Elsa : mais du coup, les éditeurs ne sont pas limités, par le nombre de livres, qu’ils vous envoient ?
Philippe Claudel : non, c’est nous qui sommes limités, car nous ne pouvons pas tout lire, mais comme nous sommes 10, nous lisons un maximum de livres, ou au moins les regardons. Si tu veux, tous les livres qui paraissent, nous les avons tous eus entre les mains.
Elsa : les membres de l’Académie Goncourt sont tous des écrivains ?
Philippe Claudel : oui, ce sont des écrivains, femmes et hommes.
Elsa : y a-t-il une parité ?
Philippe Claudel : il n’y a pas de parité obligatoire. Lorsque de mon entrée à l’ Académie Goncourt, il n’y avait que 2 femmes. Ce qui est trop peu. Nous avons tout fait, pour que cela augmente un peu. Nous sommes désormais 4 femmes et 6 hommes.
Elsa : cela fait combien de livres à lire à peu près ?
Philippe Claudel : pour le moment, j’en ai lu 25. D’ici la fin de l’été, j’arriverai à une centaine.
Elsa : cela fait beaucoup.
Philippe Claudel : je lis un à 3 livres par jour. J’ai la chance de pouvoir lire assez rapidement.
Elsa : vous lisez en format papier ?
Philippe Claudel : j’ai horreur de lire en format numérique. Du coup, cela fait beaucoup de livre papier arrivant à la maison. Après, je les donne dans des boîtes à livres, des bibliothèques, etc. c’est vrai que je suis quelqu’un, qui a beaucoup de mal à lire sur écran, alors que j’écris à l’ordinateur. L’imagination pour moi est beaucoup plus aisée lorsque j’écris un ordinateur.
Elsa : pourquoi du coup ?
Philippe Claudel : je ne sais pas, je n’ai jamais compris pourquoi. C’est comme si l’ordinateur était une boîte magique, pour moi. C’est un peu comme lorsqu’on joue sur un piano. Et puis, il y a le plaisir de voir le texte propre, c’est déjà un peu comme dans un livre.
Elsa : les éditeurs vous envoient-ils déjà une version déjà publiée ?
Philippe Claudel : ils nous envoient une version imprimée. Si tu veux, pour un livre qui paraîtra en août, il est déjà imprimé en mai.
Elsa : ils ne vous envoient jamais, une version bêta ?
Philippe Claudel : c’est quoi une version bêta ?
Elsa : je fais parfois, de la bêta – lecture : les éditeurs envoient une version déjà corrigée, qui ne sera pas celle publiée, dans laquelle il reste éventuellement quelque petites coquilles.
Philippe Claudel : ce que nous appelons des épreuves. Certains éditeurs nous envoient des épreuves reliées. Dans ce cas, nous ne tenons pas compte des éventuelles fautes, ou bien coquilles. Elles seront rectifiées par la suite.
Elsa : donc vous recevez les épreuves ou les romans.
Philippe Claudel : oui mais les épreuves sont les romans presque terminés. Une rentrée littéraire, c’est environ 400 parutions.
Elsa : Voyez-vous quelque chose à rajouter ?
Philippe Claudel : c’est toi qui interviewes, ce n’est pas moi. Nous avons dit pas mal de choses, que pourrait-on rajouter ? Si, que le prix Goncourt est plus ancien prix littéraire du monde. C’est aussi le plus prestigieux, il est connu dans le monde entier. À la suite du prix Goncourt général, nous remettons le prix Goncourt de la nouvelle, le prix Goncourt de la poésie, le prix Goncourt de la biographie. Depuis 30 ans, existe, comme tu le sais ,le prix Goncourt des lycéens. Et depuis 3 ans maintenant, nous avons créé le prix Goncourt des détenus.
Elsa : avec l’association : LIRE POUR EN SORTIR ?
Philippe Claudel : non, avec le CENTRE NATIONAL DU LIVRE, qui fournit les livres aux établissements pénitentiaires, ce sont les personnels, les enseignants, les bibliothécaires, ou encore certains bénévoles, qui animent les ateliers ,dans lequel les détenus, femmes et hommes, se réunissent pour parler des livres, choisissent en décembre, le livre qu’ils ont préféré.
Elsa : peut-il y avoir des remises de peine ?
Philippe Claudel : non, là, en l’occurrence ce n’est pas pour cela. Mais c’est une belle opération, qui existe depuis 3 ans, grâce à l’Académie Goncourt, au CENTRE NATIONAL DU LIVRE ,ainsi qu’au ministère de la justice.
Elsa : je crois qu’on a fini. Encore merci, d’avoir pris le temps de répondre à mes multiples questions, malgré votre emploi du temps très chargé.
Chers lecteurs, j’espère que cet entretien vous a intéressé, et vous donne envie de découvrir les livres et les films de Philippe Claudel.