L’assistance sexuelle pour les personnes en situation de handicap


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10/10/2023


Chers lecteurs, aujourd’hui j’ai décidé d’aborder un thème plutôt délicat, l’assistanat sexuel pour les personnes en situation de handicap. Dans cet article, je vais essayer d’être la plus neutre possible.

Tout d’abord une question de vocabulaire, doit-on dire assistants sexuels ou accompagnants sexuels ? Au cours de mes recherches et dans certains témoignages, j’ai le plus souvent trouvé le terme accompagnant.  Pour ma part, je préfère ce mot accompagnant, accompagner signifiant faire avec, assister signifiant aider une personne, mais celle-ci ne participe pas toujours à l’action. Lorsqu’on est handicapé, on peut être parfois limité en termes de rencontres sociales, sexuelles et affectives, d’où la question de l’accompagnement sexuel.

Quelques textes, en appui.

Depuis 2002, L’ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ définit comme suit la santé sexuelle: « La santé sexuelle est fondamentale pour la santé et le bien-être général des personnes, des couples et des familles, ainsi que pour le développement social et économique des communautés et des pays. La santé sexuelle, lorsqu'elle est considérée de manière positive, s'entend comme une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que comme la possibilité de vivre des expériences sexuelles agréables et sûres, exemptes de coercition, de discrimination et de violence. La capacité des hommes et des femmes à être en bonne santé sexuelle et à éprouver un sentiment de bien-être à cet égard dépend : 

  • de leur accès à des informations complètes et de bonne qualité sur le sexe et la sexualité ; 
  • des connaissances dont ils disposent concernant les risques auxquels ils peuvent être confrontés et de leur vulnérabilité face aux conséquences néfastes d’une activité sexuelle non protégée ; 
  • de leur capacité à accéder aux soins de santé sexuelle ; 
  • du milieu dans lequel ils vivent, à savoir un environnement qui affirme et promeut la santé sexuelle.

Les questions liées à la santé sexuelle sont très variées et englobent l'orientation sexuelle et l'identité de genre, l'expression sexuelle, les relations et le plaisir. Elles ont également trait à des éléments néfastes ou à des pathologiques telles que : 

  • les infections par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), les infections sexuellement transmissibles (IST) et les infections de l’appareil reproducteur et leurs effets indésirables (comme le cancer et l’infertilité) ; 
  • les grossesses non désirées et l'avortement ; 
  • les dysfonctionnements sexuels ; 
  • la violence sexuelle ; 
  • les pratiques néfastes (telles que les mutilations génitales féminines) ». 

De plus, les articles 23 et 25 de la convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations unies reconnaît aux personnes en situation de handicap le droit de se marier, d’avoir des enfants, d’avoir accès à l’éducation à la formation, en matière de procréation et de planification familiale. La convention précise que le nécessaire à l’exercice de ce droit doit être fourni.

En France, l’article 11 de la loi du 11 février 2005 stipule : « la personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap , quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie ». Si la sexualité n’y est pas mentionnée de façon explicite, c’est sur cette notion de compensation que les défenseurs de l’assistance sexuelle se basent pour légitimer, d’un point de vue juridique, la mise en place de l’accompagnement sexuel dont le but est de permettre l’accès à ce droit fondamental.

Une définition de l’activité d’accompagnement sexuel et un peu d’histoire…

L’accompagnement sexuel consiste à accompagner de manière érotique sexuelle, affective les personnes majeures en situation de handicap, quel que soit leur handicap (Attention en France l’APPAS ne prend en charge que les personnes souffrant de handicap moteur), qui en font la demande. Ce concept d’accompagnement à la vie sexuelle et affective est apparu aux États-Unis dans les années 70.

Dans un premier temps destiné aux hommes valides ce « service » s’orientera rapidement vers les personnes en situation de handicap. Dans les années 1980, ce concept apparaît dans les pays d’Europe du Nord où cet assistanat est réservé aux personnes en situation de handicap. Il faudra attendre les années 2000, pour que l’assistanat sexuel apparaisse en Suisse. Comme vous le savez sans doute, il n’est pas reconnu en France, et s’apparente selon la législation à de la prostitution. Le client/la cliente s’expose alors à des sanctions pénales.

Et la France dans tout ça ?

Dans notre société judéo-chrétienne, l’accompagnement sexuel des personnes handicapées continue de faire débat ,l’activité des accompagnants sexuels étant assimilée à de la prostitution. Mais les choses bougent cependant, avec en 2007,  l’organisation d’un colloque à Strasbourg : « dépendance physique, intimité, sexualité ». Un véritable mouvement en faveur de l’accompagnement sexuel des personnes handicapées émerge. En novembre 2010, le colloque : « sexualité et handicap » se tient à Paris, le premier ministre de l’époque missionne Jean-François CHOISY, député UMP pour « réfléchir au changement possible de mentalité et de regards ». Roselyne Bachelot, alors ministre de la santé est totalement opposée au recours aux « accompagnants sexuels ». En 2013, le conseil départemental de l’Essonne, relance le débat sur le statut des « accompagnants sexuels ». Sa proposition de légiférer voit opposer une fin de non-recevoir.

l’Association Pour la Promotion de l’Accompagnement Sexuel des personnes en situation de handicap alors présidée par Marcel NUSS organise sa première formation à l’accompagnement qui sera aussi la toute première à voir le jour sur le territoire français.

En 2020 Sophie Cluzel, Secrétaire d’État chargée des personnes handicapées relance le débat en de0mandant son avis sur le sujet au Comité Consultatif National D’Éthique.le Conseil Consultatif National D’Éthique donne un avis plutôt défavorable, sur la question du statut des accompagnants sexuels.

Petit tour d’horizon…

en Allemagne, la pratique est reconnue.

En Autriche, il existe une formation pour devenir « accompagnant sexuel» pour les personnes en situation de handicap.

En Belgique, la pratique est reconnue mais n’est pas très répandue.

En Israël, dans le cadre de certaines thérapies, les médecins autorisent cette pratique.

Pour la Suisse, c’est une pratique reconnue, encadrée par une législation.  

Les Pays-Bas sont un des premiers à reconnaître l’Accompagnement sexuel pour les personnes en situation de handicap et à le légaliser en 1982.

La Suisse : une belle opportunité pour comprendre en quoi consiste l’accompagnant sexuel.

La Suisse autorise dans sa législation le recours à des accompagnants sexuels pour des adultes en situation de handicap, et ce quelle que soit la forme de leur handicap. Le statut d’accompagnant sexuel est tout à fait légal, même si ce statut varie selon les cantons.

Toute personne majeure de plus de 18 ans en situation de handicap, qu’elle soit seule ou en couple, peut accéder si elle en fait la demande à un accompagnement sexuel, et ce quelle que soit son orientation sexuelle. Selon leurs valeurs et leur philosophie, le paiement de la prestation garantit l’indépendance des deux parties  L’assistance sexuelle est avant tout une proposition de rencontre et ne saurait se résumer à un catalogue de prestations en effet,. une rencontre préliminaire a lieu afin d’examiner les attentes et les besoins des bénéficiaires et afin de savoir si l’assistante ou l’assistant peut et souhaite y répondre. Les accompagnants sexuels certifiés en Suisse sont des hommes et des femmes qui doivent avoir suivi une formation de 150 heures Cette formation porte entre autres sur les différentes formes de handicap, les maladies sexuellement transmissibles, la prévention et le consentement. 

Pour ou contre, ouvrons le débat.

Les deux points de vue se défendent. En effet, statistiquement certaines personnes handicapées souffrent d’isolement et d’un manque de relations sociales. Certaines sortent peu de leur domicile et dans ces conditions, comment faire des rencontres et plus particulièrement des rencontres amoureuses ? Or, on le sait, pour certains la sexualité est un besoin important pour leur équilibre mental. D’où la question de l’accompagnement sexuel des personnes handicapées. Mais d’un autre côté, l’assistanat sexuel est apparenté à de la prostitution.  « La loi française interdit le recours aux services d'une personne qui se prostitue. Le fait d'inciter une personne à se prostituer ou de tirer profit de la prostitution d'un tiers est également interdit. Ces faits sont sanctionnés pénalement et peuvent donner lieu à des poursuites judiciaires en France, même s'ils ont été commis à l'étranger (cas de tourisme sexuel). Les sanctions sont plus sévères lorsque la personne qui se prostitue est mineure. ».

De plus, l’assistanat sexuel ne réduirait-il pas la personne handicapée à une personne dans l’incapacité de faire des rencontres amoureuses réelles? Ce qui, selon moi, est stigmatisant. Pour vous permettre, chers lecteurs, de vous faire votre propre opinion, je vais vous exposer ici, deux avis contraires.

Le premier, contre le recours à l’assistanat sexuel. Il s’agit d’un extrait de  « nous ne sommes pas des indésirables  » publiés en 2016, sur le site du Collectif Lutte Et Handicap Pour L’Égalité Et l’Émancipation les auteurs sont contre le recours à l’accompagnement sexuel «…Au contraire, certains, comme nous, sont fondamentalement opposés à la mise en place d’un tel système auquel semblent pourtant souscrire beaucoup d’associations de personnes handicapées… » cela pour plusieurs raisons :

  • selon le collectif, cela renforcerait encore plus la vision asexuée des personnes handicapées que nous renvoie notre société : «…D’une façon générale, les personnes handicapées sont associées à tout ce que notre société abhorre et attache au malheur : la laideur, la dépendance, la maladie (voire dans le pire des cas la contagion).Sur le plan sexuel, elles sont souvent envisagées comme asexuées ou impuissantes et, en tout état de cause, incapables de donner du plaisir, de vivre ou de partager une sexualité réussie ou épanouissant… »
  • l’insatisfaction sexuelle, n’est pas réservé aux personnes handicapées, des personnes valident se trouvent dans la même situation,
  • pour le collectif, si l’accompagnement sexuel est payant, cela équivaut à de la prostitution, si c’est un acte effectué à titre gratuit, il équivaudrait un acte de charité extrêmement, celle-ci est-elle souhaitable ? : «…– Soit l’assistance sexuelle serait gratuite, ou rémunérée à titre symbolique, ce qui équivaudrait à une quasi-gratuité. Dans ce cas, il s’agirait d’un acte de charité, de bienfaisance. Les volontaires seraient persuadés de faire une bonne action qui les grandirait. Ils seraient prêts au « sacrifice suprême ».
  • De plus les auteurs relèvent que dans notre société il existe une forte pression sociale autour de la virginité, «… la virginité est considérée comme honteuse… »… », coauteurs : Elena CHAMORRO, enseignante, Mathilde FUCHS, militante associative, Lény MARQUES, blogueur, Elisa ROJAS, avocate.

En second , voici le témoignage d’une jeune femme pour qui l’accompagnement sexuel a été bénéfique : «Il y a 3 ans environ, j'ai commencé à m'interroger sur ma sexualité en tant que personne en situation de handicap et anciennement victime de harcèlements scolaire, sexuel et physique, je me voyais comme un "tas de graisse" et comme "une handicapée", j'ai voulu faire une place à la femme.

Comment laisser quelqu'un m'aimer si je ne m'aime pas ? Or, voyant mon corps comme une prison de souffrance, je ne voyais pas comment faire jusqu'à découvrir l'APPAS. J'ai été mise en contact avec un assistant sexuel (je trouve le terme accompagnant plus adapté).

J'ai pu découvrir progressivement mon corps et comprendre enfin que n'importe quelle femme a le droit à de la tendresse. J'ai compris que je pouvais aimer, que c'est un droit accessible à tous. Aujourd'hui, j'ai rencontré quelqu'un et je m'autorise enfin à être heureuse. Je raconte toute mon histoire dans mon livre intitulé: "Comment l'accompagnement sensuel m'a permis de faire la paix avec mon corps ?" publié aux Editions Panthéon »

 

Quelques sites qui pourraient vous être utiles.

voici les sites des associations citées au cours de mon article :

https://clhee.org/, collectif Lutte et handicap Pour l’Égalité l’Émancipation,

https://www.appas-asso.fr/, Association Pour La Promotion De l’Accompagnement Sexuel,

https://www.corps-solidaires.ch/, Associations Suisse qui promeut l’accompagnement sexuel.

Je remercie chaleureusement Madame Nadine MESROBIAN, membre de l’APPAS, d’avoir pris le temps de répondre à mes différentes interrogations, merci au Collectif Lutte Handicap Pour l’Égalité Et l’Émancipation, de m’avoir permis d’exploiter une partie de leurs articles.