Le prix littéraire jeunesse : « LES PETITES CUILLÈRES ».

Le prix LES PETITES CUILLÈRES est un prix littérature jeunesse qui va voir le jour dont la première édition aura lieu cette année en 2024, en espérant que beaucoup d’autres suivront.

«Les Petites Cuillères est le tout premier prix littéraire jeunesse destiné à sensibiliser les élèves à la question du handicap et aux discriminations liées. Porté par le collectif handi-féministe Les Dévalideuses, il a pour objectif de créer les conditions d’une réflexion collective autour des discriminations liées au handicap, à l’état de santé, à l’âge, ou encore à l’apparence physique. Il récompensera chaque année des ouvrages porteurs des valeurs du collectif. » J’ai eu la chance de rencontrer et d’interviewer les instigatrices de ce prix. Alice et Béatrice. Merci d’avoir répondu à mes différentes questions. Chers lecteurs, vous trouverez ci-après la retranscription de notre interview.

 

Elsa : pourquoi ce nom, LES PETITES CUILLÈRES ?

Béatrice : c’est un hommage à LA THÉORIE DES CUILLÈRES, exposé dans un livre par Christine MISERANDINO, qui dévoile et explique les conséquences invisibles d’une maladie ou d’un handicap au sens large. On part du principe, avec cette théorie que la personne en situation de handicap ou de maladies à  un nombre limité de cuillères, pour effectuer les tâches/ événements du quotidien en 24 heures, ce nombre de cuillères varie selon le handicap, ou la maladie de la personne et ses contraintes. Alors que sur le même principe une personne « valide » dispose dans ses journées d’un nombre illimité de cuillères. Les cuillères représentant les contraintes d’une personnes dans la journée . Celle-ci peut varier fortement lorsqu’on est en situation de maladie ou de handicap. Nous avons rajouté « petites », car le prix littéraire s’adresse aux jeunes. La technique des cuillères nous permet de montrer aux jeunes les conséquences invisibles d’une maladie ou d’un handicap. Avec cette technique nous pouvons mettre en place des jeux qui permettent aux jeunes d’appréhender les conséquences invisibles de la maladie ou bien du handicap. Par exemple, en leur proposant d’appliquer ce principe des cuillères en proposant, une échelle définie au préalable classe, le nombre de cuillères de la journée, combien de cuillères pour chaque action/activité.

Elsa : comment l’idée d’un tel prix littéraire pour la jeunesse ?

Alice : donc moi, je suis enseignante documentaliste, je travaille avec des collèges. Il y a 4 ans en arrière, une collègue m’a proposé de participer avec certains de mes élèves, un prix littéraire, pour la jeunesse défendant les droits des personnes LGBT Q+ . Malheureusement, ce prix n’a pu continuer l’année suivante. Pour ma part, j’ai été déçue, car j’ai pu constater l’utilité d’un tel prix et l’intérêt des élèves. Puis j’ai entendu parler des Dévalideuses sur les réseaux sociaux. J’ai soumis l’idée d’un prix littéraire de lutte contre les discriminations mettant en lumière les différences et le handicap, au collectif : « Les Dévalideuses »,  et c’est dans ce cadre-là, que j’ai rencontré Béatrice.

Béatrice : au départ je me souviens durant les 2 premières Assemblées Générales nous somme arrivées avec : « nous avons un projet de prix littéraire pour la jeunesse », à la 3e nous sommes arrivés avec : « le projet est bien avancé », lors de notre prochaine Assemblée Générale, nous pourrons dire : « le projet est lancé ! ».

Elsa : si j’ai bien compris, le prix littéraire LES PETITES CUILLÈRES, se lance au mois de mai ?

Alice : nous avons commencé à lancer la communication début avril ainsi que les inscriptions... Nous aimerions commencer à travailler autour du prix avec les jeunes à la rentrée scolaire 2024 – 2025.

Béatrice : c’est vrai, nous avons pensé un calendrier scolaire, avec une annonce des ouvrages sélectionnés en avril de l’année précédente. Avec des inscriptions et communications en avril, les votes se dérouleraient de janvier à mars. Nous sommes restées ouvertes en termes d’inscription : des collectivités, ou établissements scolaires peuvent s’inscrire mais aussi des jeunes à titre individuel, des bibliothèques avec des groupes de lectures etc. L’important c’est que ce soient les jeunes qui votent pour leur livre préféré.

Elsa : pourriez-vous m’en dire un peu plus sur le collectif Les Dévalideuses, qui soutiennent le projet ? C’est dommage qu’elles ne soient basées que à Paris.

Béatrice : en fait, tout le monde pense que notre siège social est à Paris, mais pas du tout. Nous sommes disséminées dans toute la France. Par exemple, moi, je suis à Montpellier, Alice de Nice. Nous avons Des Dévalideuses en Bretagne, autour de Nancy, Bordeaux… nous avons maintenant un petit noyau de Dévalideuses parisiennes mais avant pas du tout. Le petit groupe de parisiennes organise souvent des événements à Paris.

Elsa : je pensais que mouvement était d’origine parisien.

Béatrice : non pas du tout, le mouvement de notre rencontre sur le réseaux sociaux. C’est un mouvement en double non-mixité c’est-à-dire uniquement composé de femmes ou /et de minorités de genre, en situation de handicap, quel que soit le type de handicap. Handicap au sens large englobant aussi bien maladie, que d’autres situations. Pas de personnes valides c’est-à-dire non directement concernées par la maladie ou le handicap. Pas d’hommes. Donc, c’est vraiment un mouvement qui a pris naissance sur les réseaux sociaux, même si nous sommes présentes lors de certains événements, l’essentiel de notre travail se fait en ligne.

Elsa : donc, si je résume Les Dévalideuses : c’est un collectif de femmes, en situation de handicap au sens large, qui luttent pour le féminisme et contre le Validisme.

Béatrice : c’est exact. Nous sommes un mouvement féministe et anti –validiste. Nous avons d’ailleurs l’appellation handi – féministe. Il me semble que nous sommes le premier collectif à cette échelle. Actuellement, nous effectuons un travail de recensement  concernant les mouvements féministes et anti – validiste. Donc nous commençons à avoir une petite liste, mais je crois que nous étions les premières en France.

Elsa : donc, il n’y a pas d’hommes au sein de l’association LES DÉVALIDEUSES ?

Béatrice : non du moins pas dans ce premier cercle c’est-à-dire les membres du bureau et les membres confrontés à l’organisation des projets. Après il y a un 2e cercle : c’est un cercle d’adhérents militants, là, il peut y avoir des hommes sur certains projets, mais cela dépend des projets, mais ce sont toujours des personnes en situation de handicap au sens large. Mais toute personne peut adhérer à l’association, devenir membre et nous soutenir.

Elsa : donc si je comprends bien, tout le monde peut adhérer, mais tout le monde ne peut pas participer au projet du collectif LES DÉVALIDEUSES.

Béatrice : cela est parti d’une volonté d’être entre femmes en situation de handicap au sens large , pour parler des problèmes rencontrés par les femmes handicapées afin de pouvoir nous exprimer que notre parole ne soit pas récupérée et de montrer ce que nous étions capable de faire entre nous.

Elsa : je reviens sur une question concernant le prix littéraire jeunesse LES PETITES CUILLÈRE, quelles tranches d’âge sont concernées ? Si j’ai bien compris, ce sont des jeunes âgés de 9 ans à 15 ans.

Alice : plutôt de 8 ans à 15 ans. Mais on raisonne plutôt en termes de niveau de lecture.

Béatrice : nous préférons raisonner en termes de cycles. Le cycle 3 comprend les classes de CM1, CM2 et 6e. Tandis que le cycle 4 comprend les classes de 5e, 4e et 3e.

Alice : cela dépend vraiment de faciliter la lecture des jeunes et de leurs rapports avec celle-ci.

Béatrice : c’est vrai que durant la présélection, nous avons écarté des ouvrages qui nous semblaient trop volumineux ou trop ardus pour le collège. Nous réservons peut-être pour un autre cycle : pour les lycéens par exemple. Mais cela dépendra de l’avenir du prix.

Alice : une institutrice de maternelle m’a fait savoir qu’elle serait intéressée, si nous mettions en place un cycle « maternelle ». Après tout dépend des possibilités et de l’avenir du prix.

Elsa : au niveau des participants, qui peut participer ? Est-ce que ce sont uniquement des établissements scolaires ?

Alice : non, ça peut être des établissements avec des classes mais aussi, des inscriptions de jeunes à titre individuel avec leur famille, de bibliothèques, des libraires etc. nous avons au maximum ouvert la participation au plus grand nombre de jeunes. Par exemple, une orthophoniste s’est inscrite, afin de pouvoir faire participer les jeunes de l’institut médico éducatif où elle exerce.

Elsa : comment est composé le comité/le jury ? Je ne sais pas comment le nommer.

Alice : le comité de lecture chargé de la présélection des ouvrages est composé de personnes volontaires bénévoles. Il se trouve que nous n’avions pas prévu de critère d’exclusion mais ce ne sont que des femmes  touchées de manière directe ou indirecte par le handicap. Ce sont donc des femmes handicapées, des mamans, des filles, des personnes travaillant dans le secteur du handicap…

Béatrice : le comité de lecture de présélection se compose d’une vingtaine d’adultes, peut-être un petit peu moins… mais Alice, par le biais de ton travail, nous avons aussi touché des enfants. Tu peux peut-être expliquer ?

Alice : dans mon travail d’enseignante documentaliste, je travaille avec des jeunes en 5e et 4e. J’ai donc décidé de faire participer les classes de 5e à la présélection du prix, car ils aiment lire, ils sont exactement dans la tranche d’âge ciblée. Environ une vingtaine. De plus certains parents ont fait lire les livres de la présélection à leurs enfants.

Elsa : de combien de personnes est composée le comité de lecture de présélection ?

Alice : environ une vingtaine d’adultes et environ 25 enfants.

Elsa : soit un comité de lecture de présélection constituée d’environ 30 à 45 personnes.

Alice et Béatrice : nous cherchons d’ailleurs des personnes qui voudraient rejoindre ce comité de présélection pour l’étoffer. Donc, si vous connaissez des personnes qui pourraient être intéressées…

Elsa : pour le jury final combien y aura-t-il de votants ?

Béatrice : tous les jeunes inscrits pourront voter, selon la catégorie/le cycle auquel ils appartiennent. Pour l’instant nous avons déjà quelques inscriptions 6 à 10, nous espérons arriver à 100 voire 200 inscrits. Les inscriptions seront clôturées quelques temps avant la fin des votes. C’est-à-dire environ en mars avril prochain.

Elsa : donc la composition du jury final dépendra du nombre d’enfants participants.

Alice : oui, c’est cela pourrait être 100, 200,500 ou encore 800, cela dépendra des participations. Il est encore difficile de les évaluer pour le moment.

Elsa : comment sont sélectionnés les 30 ouvrages de départ ?

Béatrice et Alice : Alice avait rédigé une énorme liste… donc nous sommes posé la question : comment trier tout cela ? Nous avons retenu des critères par rapport à l’ouvrage à proprement parler ainsi que des critères de contenu. Nous avons voulu rester assez larges : donc l’ouvrage est écrit par un auteur ou autrice, en français ou traduit, il peut être une bande dessinée, un manga ou un roman. Pour ne pas nous limiter nous sommes remontées jusqu’à 5 ans en arrière, donc 2019. Ce qui fait déjà un sacré écrémage ensuite il n’y a pas beaucoup de personnages « handis », au sens large, qui soient des personnages principaux dans l’histoire et non des personnages secondaires.

Elsa : donc vous avez une question par rapport à cela : est-ce que ce sont exclusivement des personnages handicapés ?

Alice et Béatrice : alors ici, c’est ce qu’on appelle les critères de présentation, nous voulons mettre en lumière, le validisme au sens large c’est-à-dire toutes les représentations corporelles qui sortent de la norme de notre société. Nous nous sommes dit :  il faut que l’histoire parle du handicap au sens large ainsi que du validisme au sens large, c’est-à-dire toutes les personnes qui ont un corps hors normes par rapport aux normes véhiculées dans notre société : les personnes handicapées, les personnes malades, les personnes grosses, les personnes âgées… il faut que l’histoire montre les victoires et les difficultés autour du handicap, et ce même si le handicap n’est pas principale de l’histoire, mais une thématique secondaire. Le second critère c’est que l’on privilégié si le personnage principal , un personnage féminin, une personne racisée, LGBT +, etc. le dernier critère est un critère excluant, nous avons exclu les livres qui étaient discriminants envers d’autres groupes de personnes.

Elsa : n’y a-t-il que des romans dans l le prix littéraire LES PETITES CUILLÈRES ?

Alice et Béatrice : non, il y a un manga et une bande dessinée dans la compétition.

Elsa : avez-vous d’autres formats différents du livre papier ? Livres audio par exemple ? 

Alice et Béatrice : malheureusement dans le comité, nous sommes pas assez nombreuses pour pouvoir faire des enregistrements audio.

Elsa : des livres en braille ?

Alice : malheureusement, si nous devions nous baser sur les livres en braille, Il n'existerait pas assez de livres pour mettre en place le prix littéraire jeunesse LES PETITES CUILLÈRES.

Elsa : du coup, il y a 30 livres en compétition ?

Alice et Béatrice : non, il y avait 30 livres… lors de la présélection, mais désormais il y a plus que 8 livres en compétition. 4 pour chaque cycle.

Elsa : j’ai bien compris que les livres étaient classés par âge mais sont-ils classés par genre ?

Alice et Béatrice : non pas forcément, nous savons que le public jeune n’est pas forcément grand lecteur, donc il y a 2 bandes dessinées, un manga, un roman policier, le reste C'est plus de la littérature générale.

Elsa : donc plutôt de la littérature générale., Donc les ouvrages sont classés selon le cycle d’âge. À quelle date aura lieu la remise de prix ?

Alice et Béatrice : nous ne pensons pas faire de remise de prix officiel faute de moyens et de temps, en effet, nous pilotons ensemble bénévolement ce prix littéraire pour la jeunesse, par ailleurs, nous sommes mamans et nous travaillons à temps complet. Nous pensons procéder de suivante : annoncer la sélection suivante, avant les vacances de printemps et la nomination des précédents lauréats juste après. 2 lauréats seront sélectionnés, un par catégorie.

Elsa : donc il aura pas de rencontre possible avec les auteurs ?

Alice et Béatrice : dans le cadre du prix, nous n’ organiserons pas de rencontre avec les autrices. Nous laisserons les établissements scolaires, bibliothèque, les librairies s’en charger. Dans le cadre scolaire de rencontres sont possibles. Les autrices françaises ne seront sans doute favorables. Nous conseillerons pour ce type de rencontre, bien sûr elles seront encouragées.

Elsa : si j’ai bien compris, vous comptez mener le prix littéraire sur plusieurs années ?

Alice et Béatrice : oui, si nous en avons la possibilité ,ainsi qu’assez de bénévoles, pour l’instant nous ne sommes pas suffisamment nombreux dans le comité de lecture de présélection. Mais nous aimerions élargir le prix à d’autres classes d’âge. Souvent les gens s’imaginent que pour un tel projet ,il faut que les choses soient cadrées et organisées, alors que pas forcément, nous ne sommes que 2 bénévoles, et nous y passons notre temps libre.

Elsa : Envisagez-vous d’élargir le prix un public adulte ?

Alice et Béatrice : non, ce n’est pas l’objectif. L’objectif est la sensibilisation du public jeune. Il y a d’autres moyens de sensibiliser le public adulte.

Elsa : je pense que nous avons fini, Voyez-vous quelque chose à rajouter?

Béatrice et Alice : non.

Elsa : dans ce cas, je vous remercie d’avoir répondu à mes différentes questions.

 

Chers lecteurs, si vous souhaitez découvrir ce magnifique prix littéraire pour la jeunesse rendez-vous sur le site : https://les-petites-cuilleres.org/

vous pouvez aussi les suivre sur les réseaux sociaux : https://www.instagram.com/prix.lespetitescuilleres/

ou si vous êtes des lecteurs engagés, devenir bénévoles pour le prochain comité de présélection.

Pour ma part, j’espère que cet article, vous a plu.